11 Avril 2024 — À quelques jours de son procès pénal pour obscénité prévu le 16 avril prochain à Istanbul, Cartooning for Peace, Cartoonists’ Rights, Freedom Cartoonists Foundation et Freemuse réitèrent leur soutien à la dessinatrice Zehra Ömeroğlu sur qui la perspective d’une criminalisation pèse comme une véritable chape de plomb.
Zehra Ömeroğlu encourt une peine allant de 6 mois à 3 ans d’emprisonnement, ainsi que le paiement d’une amende, pour un dessin sur les symptômes du Covid-19 paru le 25 novembre 2020 dans le magazine humoristique turc Leman. L’alerte relative à sa situation est relayée par la Plateforme du Conseil de l’Europe pour la sécurité des journalistes.
Le 8 mars 2024, la Commission pour la protection des mineurs contre les publications obscènes (« Muzır Neşriyat Kurulu ») a conclu que ce dessin « porte atteinte à la décence publique et à la pudeur et est contraire à la morale générale » en arguant que la dessinatrice « suscite et exploite les désirs sexuels ». Ces conclusions ouvrent la voie à la tenue de son procès, reporté à quatre reprises depuis sa première comparution en mai 2021. Si son avocat les conteste, comme le permet la loi turque, l’audience du 16 avril va suivre son cours, avec une probabilité renforcée de condamnation sur la base des ces conclusions.
Travaillant pour des médias locaux visant à participer à la libération de la parole des femmes, Zehra Ömeroğlu a vu ses dessins de presse diffusés dans de nombreuses publications, en Turquie et à l’étranger. Elle a également publié trois ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont les droits des femmes, les tabous et la psychologie humaine. Cette procédure pénale l’a plongée dans un profond désarroi, tout en restreignant sévèrement ses perspectives professionnelles.
Dans un entretien réalisé en octobre 2022, Zehra Ömeroğlu déclarait : « Je suis humoriste et le but de mon travail est de regarder les problèmes du quotidien sous un angle différent, avec plus de légèreté afin d’en rire ensemble. Mais même un dessin aussi anodin peut être soumis à un sévère jugement. Les lecteurs ne pensaient pas que mon dessin puisse être puni. »
Si la Turquie est tenue de protéger la liberté d’expression, garantie par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par sa propre Constitution, qui garantit aussi la liberté de la presse et la libre diffusion de l’art, le pays est classé 165ème sur 180 au Baromètre mondial de la liberté de la presse 2023 de Reporters sans frontières.
Résolues à défendre Zehra Ömeroğlu, nos organisations expriment toute leur solidarité avec elle face à un procès dont l’issue sera un véritable marqueur de l’ampleur des atteintes à la liberté d’expression, et de l’espace alloué à la liberté d’expression et à la production artistique féminines et féministes en Turquie.